Pierre Bourdieu - La
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Sommaire
Quelques réflexions
sur le système français
D) «L'université impossible»
(1896-1995)
E) Une évolution prudente
(1995-?)
F) Une analyse critique du
système français
Les universités sont nées en
Europe au XIIIème siècle sur un grand principe fondateur: celui suivant lequel
la formation au savoir (que l'on appellera «enseignement») et la production de
ce savoir (que l'on appellera plus tard «recherche») étaient inséparables.
Elles s'organisent suivant quatre corps: la faculté des arts libéraux, qui
dispense d'abord un enseignement général, puis une spécialisation dans un des
trois grands domaines que sont le droit, la médecine et la théologie.
Mais, à la fin du XVIIIème siècle,
l'Europe connait une grave crise de ses universités. Ainsi, en Allemagne, de
1792 à 1818, 22 universités vont fermer. En France, il ne reste que 30
étudiants en droit à Angers ou 18 étudiants en médecine à Caen. Les raisons
sont multiples mais s'organisent principalement suivant deux axes: d'une part,
l'enseignement scholastique diffusé par des universités dominées par l'église
s'est sclérosé au fil des années et s'est fermé aux savoirs nouveaux,
principalement dans la tradition romaine. D'autre part le frémissement de la
révolution industrielle demande une éducation apportant aussi des savoirs
«productifs» à coté de savoirs «fondamentaux». C'est ainsi que vont apparaitre
des «écoles spéciales» ou des «écoles supérieures professionnelles» de l'un et l'autre
côté du Rhin.
L'ancien régime amorcera ce
mouvement en France: Louis XV créera l’École des ingénieurs-constructeurs des
vaisseaux royaux (1741, future ENSTA), l'école royale des Ponts et Chaussées
(1747) et Louis XVI l'école nationale supérieure des poudres
(1775), ou l'école des mines (1783). Mais les réponses vont par la suite
différer en Allemagne et France, pour des raisons essentiellement politiques.
Wilhelm Von Humboldt est un
linguiste et fonctionnaire du gouvernement prussien dont il est ministre de
l'éducation de 1809 à 1810. Il voyage et connait les travaux de Rousseau,
Pestalozzi, Fichte, Wolf et Schleiermacher. Il réforme profondément le système
éducatif prussien et organise un nouveau modèle d'université qui sera matérialisé
par l'ouverture en 1810 de l'université de Berlin. Celle-ci rompt totalement
avec le système universitaire du moyen-âge mais refuse également le côté
strictement utilitariste des écoles spécialisées. «Le coup de génie de
Humboldt aura été de comprendre que l'éclatement entre recherche utile et
recherche pure eût correspondu à un désastre non seulement pour l'institution
universitaire, qui, amputée sur ses deux flancs, fût devenue un corps vide,
mais pour la recherche et la science elle-même, à travers la double menace
d'une théorie coupée de toute perspective pratique et d'une pratique coupée de
toute réflexion théorique.» (Alain Renaut, Que
faire des universités?). La réforme Humboldtienne
tend à la fois vers un savoir globalisant, regroupant en un même lieu la
totalité des savoirs, mais aussi vers une recherche libre individuelle, et
ainsi une formation au savoir, une formation du savoir et une formation par le
savoir combinés en un même lieu et en un même temps. «Il faut réinterpréter
le terme d’université comme désignant une institution capable d’assurer une
organisation unitaire et totalisante des divers champs du savoir dont il
appartient à la philosophie de fournir et maintenir l’idée, c’est-à-dire
l’exigence.» (Humboldt) L'université d'Humboldt est formatrice alors que
l'école spécialisée est éducatrice.
Le pensée Humboldtienne
est méconnue en France (même si la IIIème république s'en est aussi inspiré
lors de sa reformation de l'université française), alors qu'elle a contribué à
créer un véritable âge d'or de l'université allemande au XIXème siècle, et
qu'elle a par la suite servi de modèle à nombre
de pays qui viendront à moderniser ou créer un système universitaire, et
en particulier les Etats-Unis, dont les universités sont organisées suivant le
modèle Humboldtien.
Le premier corps de l'état
(les Ponts et Chaussées) ne fut pas créé par les instances révolutionnaires,
mais lors de la régence (1715). Le système de recrutement par concours et le
système des corps de l'état trouvent leurs racines dans les examens impériaux
chinois et le système méritocratique de la haute fonction publique chinoise (le
mandarinat suivant le nom donné par les occidentaux). Ce système fut décrit par
les mathématiciens jésuites envoyés en Chine en 1685 par Louis XIV et
popularisé auprès des philosophes des lumières par le travail de l'historien
jésuite Jean-Baptiste du Halde qui publia les Lettres
édifiantes et curieuses, écrites des Missions étrangères, par quelques
missionnaires de la Compagnie de Jésus puis la Description
géographique, historique, chronologique, politique et physique de l'empire de
la Chine et de la Tartarie chinoise en 1735. On retrouve par exemple
comme héritage direct le principe du «3 ans par poste et par région», qui
remonte aux règles de l'administration territoriale chinoise, et qui était
destiné à réduire au maximum le risque de corruption de fonctionnaire.
La grande rupture française
qu'est la révolution de 1789 aura une influence profonde sur le fonctionnement de
l'enseignement supérieur français. Le 15 septembre 1793 une loi de la
convention ferme les universités.
L'école polytechnique est créée par la commission des travaux publics du
comité de salut public au lendemain de la révolution (1794). Ainsi commence à
se pérenniser le système français, qui montre une double césure université /
écoles d'ingénieurs et universités / grands centres de recherche (CNRS, CEA,
CNES...).
La loi du 10 mai 1806 fixe la
création d'une université impériale et établit que «Il sera formé, sous le
nom d'Université impériale, un corps chargé exclusivement de l'enseignement et
de l'éducation publiques dans tout l'Empire». Il ne s'agit plus là d'un
système d'enseignement supérieur, et cette université deviendra successivement
sous la restauration un comité d'instruction publique puis un conseil royal de
l'instruction publique. Il faut cependant noter que le décret impérial du 17
mars 1808 fixe le fonctionnement de l'Université Impériale, et en particulier
les trois grades que sont le baccalauréat, la licence et le doctorat.
En 1875 les décrets Goblet ont
créé ou recréé les facultés. La loi du 18 mars 1880 leur confèrera le monopole
de l'Etat en matière d'attributions des grades, repris du décret du 17 mars
1808. La loi du 10 Juillet 1896 regroupera ces facultés en universités. La
France commence alors une recréation de son système universitaire. Mais,
suivant l'expression d'Alain Renaut, nous aurons de
1896 à 1995 «L’université impossible ».
Les écoles d'ingénieur sont déjà bien implantées et le rôle des universités
déjà défini en creux de celui des grandes écoles. Une analyse faite par un
«persan» japonais est tout aussi claire: «Autrement dit, sur le plan
historique, les Grandes écoles (en tant qu’établissements supérieurs) ne
faisaient pas de recherche, et les universités participaient peu à la formation
des cadres des différents secteurs économiques (à l’exception de la médecine et
du droit, et de la formation des enseignants).» (Chihiro
Tagawa (2007), Qu’entend-on par «
professionnalisation » de la formation universitaire? l’analyse comparative
entre la France et le Japon).
Privée de moyens, subissant de
plus à partir du milieu des années 50 le phénomène de «massification» de
l'enseignement supérieur, qui la contraint à traiter un nombre toujours plus
important d'étudiants, l'université française se perd.
Il est difficile de ne pas
adhérer à l'analyse suivante: «La France n’a pas d’université au sens où il
en existe dans d’autres sociétés démocratiques, qui les identifient comme des
lieux irremplaçables où les savoirs se transmettent tout en se transformant et
tout en formant les étudiants aux plus hautes exigences intellectuelles et
éthiques de ces savoirs » (Alain Renaut (2002), Que
faire de l'université?)
A partir de 1995, l'université
française accélère, grâce aux contrats universités-état, une évolution
commencée par la création des IUT en 1966 par la loi Fouchet. Cette évolution
est poursuivie par le décret Fontanet du 16 Avril
1974 portant création du DESS. Elle aboutit à la suite du processus de Bologne
à la disparition des DEA et DESS, remplacés par le degré de Master, créé par le
décret du 30 Aout 1999. Cette évolution est encore complétée actuellement par
la disparition des deux types de master (master recherche et master spécialisé,
qui reprenaient les DEA et DESS) et l'apparition d'un degré indifférencié de
master. Les universités françaises disposent donc d'un arsenal de diplôme leur
permettant, au moins dans le principe, de faire le pendant aux grandes écoles
en matière de diplôme «professionnalisant», tout en s'inscrivant exactement
dans le cadre de la déclaration de Bologne du 19 juin 1999, et dans le cadre de
l'évolution du cycle universitaire en un format 3-5-8 (licence-master-doctorat)
déclinée au France par le décret 2002-482 du 8 avril 2002 «portant
application au système français d’enseignement supérieur de la
construction de l’Espace européen de l’enseignement supérieur».
Il faut cependant aussi noter que le décret 2002-604 du
25 avril 2002 modifie l'article du 30 Aout 1999 et décide que « Le
grade de master est conféré de plein droit aux titulaires : 1° D'un diplôme de
master ; 2° D'un diplôme d'études approfondies ou d'un diplôme d'études
supérieures spécialisées ; 3° D'un diplôme d'ingénieur délivré par un
établissement habilité en application de l'article L. 642-1 du code de
l'éducation ; 4° De diplômes délivrés au nom de l'Etat, de niveau analogue,
figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'enseignement
supérieur après avis conforme du ou des ministres chargés de la tutelle des
établissements concernés et après avis du Conseil national de l'enseignement
supérieur et de la recherche. » Ce décret, pris sans l'avis du conseil
d'état, modifie pourtant un principe fondamental, celui du monopole de la
collation des grades universitaires par l'université. Cela est d'autant plus
curieux qu'une première tentative faite dans le cadre de la loi Savary en 1984,
s'était heurté à l'opposition du dit conseil: « le conseil d’Etat a estimé que le principe suivant lequel la collation des
grades est réservée aux établissements publics d’enseignement qui remonte à la
loi du 16 fructidor an V et que les lois de la République n’ont jamais
transgressé depuis 1880 s’impose désormais au législateur ; aussi a-t-il
disjoint du projet de loi sur l’enseignement supérieur un titre autorisant le
ministre chargé de l’enseignement supérieur à accréditer des établissements
privés à délivrer des diplômes nationaux ». La légalité de ce décret est d'ailleurs disputé (voir Y. Gaudemet et P.H. Prélot).
La normalisation européenne 3-5-8 pose également aux
grandes écoles de sérieux problèmes, puisqu'elles sont organisées suivant un
système 2-5, qui ne s'intègre pas au format européen. En revanche le
rapprochement du niveau 5 entre grandes écoles et universités permet aux élèves
des grandes écoles de s'inscrire directement en thèse à la suite de leur
scolarité sans avoir à effectuer, comme dans le passé, un DEA (à condition de
justifier d'une formation d'un niveau suffisant, qui est évalué lors de la
demande d'inscription).
Aghion et Cohen
(rapport Education et croissance, 2004) vont plus loin à travers
une analyse macro-économique de l'efficacité de l'enseignement supérieur
(voir ici); «Un
niveau élevé d’éducation permet ainsi d’adapter plus facilement des
technologies développées par d’autres ou de développer de nouvelles
technologies. De ce point de vue toutefois, les différents étages du système
éducatif ne jouent pas le même rôle : imiter les technologies existantes
nécessite des individus disposant d’une bonne compétence technique et
professionnelle, que procure l’enseignement secondaire ou supérieur spécialisé
; innover est en revanche le fait de chercheurs. Pour la France, qui est
aujourd’hui proche de la frontière technologique, cette analyse montre
l’importance d’un enseignement supérieur performant. Son bon fonctionnement est
même d’autant plus crucial que, lorsque s’amorce une nouvelle vague
technologique, comme cela semble être le cas aujourd’hui avec l’émergence des
nouvelles technologies de l’information, les possibilités d’imiter ou de mettre
au point des innovations incrémentales sont plus limitées. Ce constat invite à
se demander si la perte de vitesse de notre économie et de sa capacité à
innover ne renverrait pas au fonctionnement de notre enseignement supérieur.»
L'analyse d'Aghion et Cohen semble parfaitement être illustrée par
l'histoire. Le système éducatif français qui a été sacralisé par les grandes
écoles a fait ses preuves quand à sa capacité à former des ingénieurs
technologues. Suivant l'expression consacrée, les polytechniciens ont fait la
SNCF, France Télécom, EDF et les centrales atomiques françaises (et aussi le CAUTRA
comme nous l'avons vu...). Ils ont permis à la France de l'après guerre de
rattraper son retard sur les nations les plus en avance technologiquement, et
notamment les Etats-Unis.
Mais il a aussi de lourdes
conséquences sur la recherche et l'innovation. Le système des classes
préparatoires et des grandes écoles apprend à résoudre des problèmes bien posés
qui ont toujours des solutions. Le travail du scientifique est bien souvent de
découvrir quel est le problème à poser, et est aussi bien souvent d'admettre
que le dit problème peut ne pas avoir de solution. Cette approche est rare
voire impossible dans le système français.
Si l'on regarde de près la
liste des grands savants français, fort peu sont passés par les grandes écoles
d'ingénieurs (excluons l'école normale supérieure qui impose à ses élèves une
formation universitaire traditionnelle). L'école polytechnique en particulier
aurait bien du mal à mettre en avant une personnalité susceptible d'avoir
effectué une rupture paradigmatique dans la science contemporaine. Un Ampère,
un Louis De Broglie furent des esprits indépendants, et même si Benoit
Mandelbrot passa par l'X ce fut par hasard: son éducation fut totalement
atypique, et il quitta rapidement la France, en opposition avec son système
scientifique. Pas de biologiste, ou de grands spécialistes de la mécanique
quantique. Les grandes écoles apprennent plus l'obéissance que l'originalité et
ce n'est pas par hasard que l'X fût dès l'origine une école militaire.
D'autre part, le système
français n'accepte pas l'absence de résultats; tout problème est supposé avoir
une solution puisque c'est ce que l'on rencontre en classes préparatoires et en
écoles d'ingénieurs, et l'échec est ainsi «diabolisé». Un américain pourra
créer plusieurs sociétés, échouer et recommencer. Une équipe complète de
développement d'Intel pourra abandonner le développement de l'architecture NetBurst sans que cela soit considéré comme scandaleux
malgré les coûts très élevés de développement. L'échec, s'il est accepté à
temps, reconnu et analysé, est porteur d'informations; il peut y avoir des
acteurs malheureux sans qu'il y ait nécessairement de coupables, de la même
façon qu'une thèse peut ne pas avoir de résultats positifs sans que ce soit
pour autant une mauvaise thèse. Apprendre qu'une voie ne peut pas aboutir,
c'est déjà apprendre, à condition de l'accepter comme tel et d'en comprendre
les raisons.
Le système français ne
reconnaissant pas le sens de l'échec positif, il se prive ainsi d'une grande
source d'information. De plus, il a mis en place tout un ensemble de manœuvres
dilatoires pour l'éviter. Il est un exemple applicatif de la théorie de
l'engagement (« escalating commitment »):
plus on a investi et plus on est prêt à continuer à investir pour faire
disparaitre l'impossible «erreur». Tels les Shadocks, nous sommes tentés de
lancer à grands coûts 999999 fusées de guingois suite au non-succès de la
première en espérant réussir un lancement même si la probabilité n'est que de 1
sur un million, car cela serait mieux vécu que d'admettre l'impossibilité de la
construction. L'échec ressemble à une dilution lente, sans évaluation et sans
analyse. Cet état de fait n'est pas une exclusivité française, car il est
commun aux projets menés en l'absence de culture, d'évaluation et de direction
scientifique au sens strict, mais nous en sommes malheureusement, du fait de
notre système de formation, les champions incontestés, comme le font remarquer Aghion et Cohen.
Cet état de fait est encore
renforcé par le hiatus entre le niveau scientifique réel des écoles
d'ingénieurs et le statut prestigieux de ceux qui en sortent. Il ne s'agit pas
de dire que les écoles d'ingénieurs offrent une mauvaise formation, bien au
contraire, mais elles offrent avant tout (et c'est leur rôle) une formation
scientifique généraliste et applicative, mais pas une formation fondamentale.
Suivant l'adage, «l'X sait tout sur rien et rien sur tout», un ingénieur n'a
pas de véritables connaissances fondamentales sur un sujet précis. Même les
écoles dites de spécialisation n'ont longtemps dispensé que des formations
pratiques. Le statut social et culturel de l'ingénieur issu d'une grande école
l'amène à penser que sa formation lui permet d'aborder n'importe quel problème
avec compétence sans formation complémentaire: c'est faux. Seule une formation
scientifique spécialisée solide permet d'avoir les éléments permettant de faire
les choix justes lorsque l'on s'approche de la frontière technologique de
l'innovation. Les exemples à citer seraient légion, le plus célèbre qui vient à
l'esprit étant sûrement l'affaire des «avions renifleurs» qui aurait fait
éclater de rire n'importe quel physicien compétent, et coûta à Elf et à l'état
français, avec la bénédiction active de leurs deux présidents polytechniciens,
la bagatelle de plus d'un milliard de francs. L'absence de compétence
universelle est «normale» sachant que nul ne peut être compétent en tout dans
un monde aussi spécialisé que le nôtre. Mais le véritable problème, c'est
l'excès de confiance dans ses capacités à juger. On ne connait pas un domaine
scientifique parce que l'on en a effleuré la surface pendant un module de 16
heures d'enseignement et que l'on a lu quelques articles de vulgarisation dans
quelques revues. La science s'apprend et l'apprentissage est long, quelles que
soient les capacités intellectuelles de l'apprenant.
Enfin, le principal «péché»
des grandes écoles, surtout depuis les années 80, est de recruter la «fine
fleur» d'une génération en mathématiques, physiques et autres disciplines
scientifiques, et d'en envoyer «la majeure partie en sortie d'école
travailler comme chef de bureau ou de bizness unit sur des tableurs Excel»
(Chartier). Le système commet ainsi deux erreurs successives: la première est
de priver les universités et la science française de ses plus brillants
éléments pendant les années les plus productives de leur vie, la seconde de
nommer immédiatement à des postes de direction et de relations humaines des
gens qui n'en ont pas la formation, et parfois pas l'aptitude, dans la mesure
où on ne les a ni formés, ni recrutés suivant ces critères. La perte de
crédibilité des humanités comme moyen de sélection au cours des années 70 a
abouti à un système absurde où la sélection ne s'opère finalement que sur
des disciplines scientifiques, même pour
des postes où elles ne sont pas requises. La dévalorisation de la fonction
technique par rapport à la fonction managériale a fait le reste.
L'analyse de Renaut, Aghion, Cohen, Chartier
et autres semble aujourd'hui peu discutable (voir en particulier les
commentaires de Jean-Hervé Lorenzi et Michel Mongeot publiés par le Conseil d'Analyse et Economique sur
le rapport Aghion/Cohen).
Les solutions proposées font,
en revanche, largement débat...
Il faut cependant noter que
cette prise de conscience n’est pas récente ; la commission des titres d’ingénieurs
a, depuis de nombreuses années, poussé, et même obligé, les écoles d’ingénieurs
à mettre en place des structures de recherche de qualité, et à introduire dans
les cursus une part « importante » de formation « par la
recherche ». Certaines écoles s’y sont d’autant plus facilement pliées qu’elles
avaient déjà une solide tradition dans ce domaine (on peut par exemple penser à
l’Ecole Nationale de la Météorologie qui encourageait depuis des années ces
élèves à suivre DEA et doctorats). Pour d’autres, il s’agit plus de peindre « de
la bonne couleur » leur formation d’ingénieurs de façon à conserver l’habilitation
de la CTI, sans changer fondamentalement de mentalité.
Il est difficile aujourd’hui
de savoir si le système français saura échapper à la spécificité qui est la
sienne et saura adopter les réformes indispensables à la formation de
scientifiques appliqués de haut niveau, dont tous les pays non émergents ont absolument besoin,
ou si la France restera bloquée dans un système qui savait répondre aux besoins
du pays durant l’après guerre et les trente glorieuses, mais n’est plus que
partiellement adapté aux besoins du monde moderne. Il faudra aussi savoir si
elle saura faire évoluer un modèle de sélection trop axée sur les seules
mathématiques, et saura redonner aux humanités la place qui aurait du rester la
leur.
Addendum 25/12/2010 : ce texte a été rédigé en 2009, avant que je ne découvre
une fort belle analyse faite par mon ancien professeur Denys Acker sur l’école
polytechnique et le système de formation français, analyse que l’on trouvera
sur ce site dans la rubrique « Ecole Polytechnique ».
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Dernière modification: 08:59, 10/01/2012